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L’émergence se produisant à la limite entre ordre et chaos


Un groupe d’analystes jungiens contemporain a dégagé certaines dimensions de l’émergentisme moderne implicites dans les théories de Jung. Cette approche s’est révélée fructueuse et a permis en particulier une relecture et une réévaluation de la théorie jungienne à la lumière des neurosciences contemporaines et des théories actuelles de l’attachement. Ainsi est-on amené à considérer les archétypes comme des propriétés émergeant des interactions de l’ensemble corps-esprit, de l’environnement naturel et culturel et de certaines formes de récit ; ils sont repensés en tant que « règles épigénétiques » à l’œuvre au cœur même des emboîtements multiples et des divers niveaux des systèmes complexes.

On sait que dans les systèmes complexes l’émergence a le plus de chance de se produire à la limite entre l’ordre et le chaos : trop d’ordre engendre la rigidité, alors que trop de chaos est destructeur. L’action thérapeutique qui vise à favoriser l’émergence devrait donc évidemment s’orienter vers cette limite, à considérer non pas comme un but à atteindre, mais bien plutôt comme un gouvernail qui permettrait de piloter le couple thérapeutique.

De plus, les transformations du champ interactif peuvent être d’intensités très variables. Elles peuvent passer d’une réorganisation soudaine d’une grande intensité – comme dans les phases de transition associées à « un moment de rencontre » (…) Je propose d’utiliser le terme de « moment de complexité » pour rendre compte des possibilités archétypiques propres au champ lui-même. Cette expression est empruntée à Marc C. Taylor

Taylor a observé l’émergence d’une culture en réseau en pointant la forte croissance du changement, c’est-à-dire l’accélération des transformations engendrées par l’extension des connexions entre les choses (les gens, l’information, les disciplines, etc.). Plusieurs éléments de sa définition des moments de complexité peuvent nous aider : « le point de bascule » où le plus devient différent ; le point où des systèmes autonomes d’organisation émergent pour créer de nouveaux patterns de cohérence et de nouvelles structures de relations. Je suggère que ces moments sont eux-mêmes structurés autour de potentialités archétypiques qui commencent à se consteller. Ces moments de complexité sont intimement liés à certains moments de décision où « certaines possibilités sont actualisées et d’autres sont abandonnées ». C’est le cas par exemple quand, dans le travail thérapeutique, nous faisons le choix d’intervenir, ouvertement ou non, et si nous le faisons, d’intervenir de telle ou telle manière, alors, précisément à ce moment-là (c’est-à-dire avec la conscience du kairos en tant que qualité psychologique d’un moment) nous altérons le flux du champ.

(…) Un moment de complexité incluant une tierce personne, et ceci sans que ni elle ni moi n’en ayons eu conscience sur le moment. C’est pourtant dans ce moment énigmatique que se trouvait la clé de l’action thérapeutique dans le sens jungien de ce terme, puisque s’ouvrait une voie vers le numineux susceptible de générer la transformation.

Christian Gaillard et alii, Archétypes et/ou fantasmes originaires Une rencontre et un débat entre analystes freudiens et analystes jungiens, Cahiers jungiens de psychanalyse 2011/1 (N° 133) https://www.cairn.info/revue-cahiers-jungiens-de-psychanalyse-2011-1-page-7.htm


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limite_entre_ordre_et_chaos.txt · Last modified: 2019/01/20 23:15 by saresca